Littérature japonaise traditionnelle

La femme des sables

ABE Kôbô





Résumé éditeur
Heurs et malheurs d'un homme qui, parti à la recherche d'un insecte des sables, échoue dans un petit village perdu au fond des dunes. commence alors un étrange cauchemar...
La Femme des sables est incontestablement l'un des grands romans de la littérature japonaise contemporaine. Traduit dans le monde entier, il a été couronné, au Japon, par le prix Akutagawa (1962) et en France, par le prix du Meilleur livre étranger (1967).


Mon avis
Ce roman est ma première lecture de Abe Kobo, romancier japonais reconnu pour ses écrits un peu étranges, où le personnage, toujours confronté à l'absurde, devra se dépasser pour retrouver un sens à sa nouvelle vie.
Pour ce roman, on ne ressort pas indemne de cette lecture, qui laisse un arrière goût d' amertume devant une nature humaine impitoyable et en même temps un peu d'espoir dans sa capacité à évoluer et à se dépasser. La vie moderne est impitoyablement disséquée dans ses abérrations et ses contradictions.
Au Japon, un homme, entomologiste amateur, se retrouve prisonnier dans un village perdu dans les dunes, avec une femme inconnue. Incroyable que cela puisse être, cette pratique existe depuis longtemps et il n'y a aucune possibilité de s'échapper ou de raisonner leurs geôliers. Condamnés à enlever sans relâche le sable au fond de leur trou, seul moyen de sauver le village d'être englouti, cet homme se retrouve esclave d'une cause qu'il ne comprend pas. le comportement de la femme entre soumission et volontarisme lui aideront à trouver un sens à cette quête absurde.
Mon avis est mitigé car j'ai trouvé l'intrigue intéressante, surréaliste, avec une réflexion très juste sur la solitude dans notre monde contemporain. Il y a un véritable questionnement sur la relation à l'autre, sur le sens que chacun donne à sa vie et à ses envies. J'ai été trés surprise de l'aspect anonyme des personnages : ils ne portent pas de noms mais sont nommées par leur natures : 'l'homme, la femme, les villageois"Cela renforce beaucoup l'aspect étrange du récit. Pourtant, les longues parties de descriptions et de digressions m'ont gâché le plaisir de la lecture. L'auteur est capable de disserter sur 3 pages de la nature du sable; c'est assez agaçant car je n'ai pas toujours compris l'interet que cela pouvait apporter à la réflexion ou à l'intrigue.

 

Le Mont Crépitant

DAZAI Osamu

 

Présentation de l'éditeur

« A voix haute il lui lit des contes comme  » Momotarô « ,  » Le Mont Crépitant « ,  » Le moineau à la langue coupée « ,  » Les Deux Bossus  » ou  » Monsieur Urashima « . Bien qu’il soit pauvrement vêtu et qu’à sa figure on le prenne pour un idiot, ce père est loin d’être un homme insignifiant. Il possède en effet un art vraiment singulier pour imaginer des histoires.

Il était une fois, il y a bien, bien longtemps… 

Ainsi, tandis qu’il lui fait la lecture de sa voix étrange et comme stupide, c’est une autre histoire, toute personnelle, qui mûrit au fond de son coeur.  » Voici des contes populaires qui figurent parmi les plus célèbres au Japon et auxquels le grand écrivain Dazai Osamu (1909-1948) donne une interprétation personnelle par la voix d’un narrateur quelque peu original, censé les lire à sa fille dans un abri anti-aérien.

 

Avis 

Dans toute son œuvre, DAZAI Osamu a composé des écrits à fortes teneurs autobiographiques, dans un style simple, ironique et plein d'humour. "Le Mont Crépitant" est un recueil de contes populaires, avec une interprétation originale et personnelle du narrateur, qui les lit à sa fille dans un abri antiaérien. Les récits des contes sont donc ponctués par des réflexions personnelles sur le sens de événements et les personnages, ainsi que des allusions autobiographiques avec toujours une tonalité humoristique.

Le premier conte est Les Deux Bossus :  c'est une petite histoire où deux êtres, atteints de la même difformités, en font un atout positif ou non. Pourtant, chacun des deux en sera tout de même affectés négativement.

Le second conte, très poétique comme une œuvre de Hayao Mikasaki, est Mr Urashima. C'est l'histoire d'un homme un peu imbu de sa personne, qui est conduit par une tortue dans le palais du dragon. Bon nombre de ces certitudes et de ses convictions seront modifiés par ce voyage. C'est le conte le plus esthétique, avec de longues descriptions pour créer un monde irréelle et merveilleux.

Le troisième conte est Le Mont Crépitant, récit cruel où un raton, ayant bien peu de qualités, sera le jouet d'un lapin/jeune fille tortionnaire. La frontière entre le bien et le mal est bien difficile à distinguer.

Enfin, le dernier conte est Le Moineau à la langue coupée, est celui qui correspond plus à la tradition japonaise : amours contrariés, femme/oiseau, vieille femme qui sera punie par cupidité, présence de démons dans tous les aspects de la vie traditionnelle....

Dans l'ensemble de ces contes, les personnages sont des êtres profondément solitaires (par choix ou non), incompris de leur entourage et qui verront le sens de leur vie se modifier le plus souvent négativement à la fin de l'histoire. Cet aspect pessimiste est un des traits caractéristiques de Dazai, homme autodestructeur ayant une estime de lui-même désastreuse. Le choix des contes de ce recueil n'est donc pas anodin.

Même si ce livre est un recueil de contes populaires et donc à destination des enfants, je ne le considère pas comme étant lus par les plus jeunes. Le style simple, l'humour , le description vivante des situations et des personnages pourraient correspondre à un public jeune. Mais ce sont les commentaires, les digressions qui sont plus dédiés à un public adulte : la trahison, la honte, l'amour à sens unique, la distinction, la jalousie amoureuse sont des thèmes plus adultes.

C'est un livre qui se lit très facilement et qui donne des explications sur les coutumes et les mœurs japonaises de façon ludique. 

 

DAZAI Osamu

 

Cent vues du Mont fuji

DAZAI Osamu



Présentation de l'éditeur

C’est par ces récits majeurs que Dazai Osamu (1909-1948) a laissé une empreinte considérable sur la littérature japonaise moderne, suscitant encore de nos jours une immense admiration. On le lit dans les écoles, on le commente, on le cite : il est maintenant un classique du XXe siècle au panthéon littéraire du Japon.
Une vie traversée de doute, d’inquiétude, de dégoûts. Une réputation scandaleuse de buveur désespéré, d’amoureux suicidaire et d’amateur de drogues, le suivra toute sa vie. On peut lire ces récits, tous nourris de la vie de l’auteur, comme autant de croquis, de “choses vues”, comme autant de photographies que l’on disposerait dans un album si l’on veut découvrir un homme ; mais il faut les relire pour découvrir un écrivain, pour entendre cette “petite musique”, ce curieux mélange de véhémence, d’humour et de familiarité qui, dans un même récit, dans une même page, fait coexister l’envolée lyrique, l’émotion murmurée et le ton du journal intime. Tout cela concourant à donner l’impression d’une sorte de narcissisme honteux que rachèterait une perpétuelle dérision.

Avis 

Dazai Osamu est mort en 1948, mais il fait toujours l'objet d'un culte au Japon. Pour avoir été en révolte contre une société rigide et conformiste, il demeure l’éternel favori des jeunes gens. C'est un riche héritier d'une famille de classe dirigeante; qui le bannit pour avoir sympathisé avec les idées communistes. De ce fait, il restera très souvent dépendant de son frère, chef de la famille et devra toujours trouver les moyens pour survivre. Ses relations avec les femmes ont été sources de beaucoup de scandales : il a vécu avec une geisha de basse extraction, puis a laissé une jeune femme, qu'il connaissait à peine, mettre fin à ses jours dans le premier des trois "suicides d'amour" et, comble du scandale, il a exploité ces événements pour en faire la source de son inspiration littéraire. Tout cela est décrit ou suggéré de façon romancée dans Les Cent vues du mont Fuji
Mr Dazai est un écrivain maudit, qui s'est noyé dans l'alcool, les femmes et autres. Ce que l'on ressent à travers ce livre c'est surtout son désespoir, une lucidité cruelle sur ses insuffisances et tout ce qu'il détruit (lui-même et autour de lui). Mais en même temps, les épisodes se succèdent harmonieusement, de façon c'est dynamique, et c'est bourré d'humour et d’auto-dérision. L'épisode du chien errant est hilarante et très savoureuse. Enfin, j'aime la nostalgie dans les descriptions de la vie quotidienne du Japon au début du siècle. 
 
DAZAI Osamu

 

Le Maître de thé

INOUE Yasuhi




Présentation de l'éditeur

Non, Monsieur Rikyu (1522-1591), Grand Maître de thé issu du bouddhisme zen, n'est pas mort dans son lit ! Il s'est fait hara-kiri à l'âge de 69 ans. Pourquoi s'est-il donné la mort ? Un vieux moine, son disciple, tente d'élucider le mystère de ce suicide.
Ce livre-enquête nous projette dans le Japon de la fin du xvie et du début du xviie siècle. A cette époque, la cérémonie du thé était un acte grave, un rituel qui témoignait d'un engagement redoutable, empreint d'exigences éthiques et politiques, prétexte parfois à des négociations secrètes.
Le Maître de thé est donc tout naturellement un roman d'initiation, de méditation, lyrique et sensuel à la fois. A travers la figure historique de Rikyu, Yasushi Inoué (1907-1991) dresse le portrait d'une génération hantée par la mort. Etrange de penser qu'il a écrit là son dernier récit et sans doute son chef-d'oeuvre, publié en 1991, l'année même de sa disparition !

Avis

En 1591, alors que le Japon sort de plus d'un siècle de luttes entre les grands seigneurs féodaux, Rikyu, maître de la cérémonie du thé attaché au Taïko Toyotomi Hideyoshi, le gouverneur du pays, a reçu de ce dernier l'ordre de se suicider. Il obéit et, comme le veut la règle, se fait hara-kiri. Pendant les trente années qui suivent cette mort, le moine Honkakubo, disciple du maître, s'interroge : pourquoi Rikyu n'a-t-il pas demandé à Hideyoshi un pardon qu'il aurait sans doute obtenu ? Dans le journal qu'il tient de temps à autre, le vieil homme évoque ainsi ses quelques rencontres avec de grands maîtres de la cérémonie du thé, tour à tour protégés et rejetés par le pouvoir. Il se souvient des jours passés auprès de Rikyu et continue de lui parler par-delà la mort. C'est dans un long entretien imaginaire avec son maître qu'il découvre la clé de l'énigme.
Toute la philosophie nippone, sur la mort, la cérémonie du thé, les liens entre maître et disciple, apparait dans ce court livre. C'est parfois difficile pour un esprit occidental mais j'ai été charmé par la beauté du style. C'est zen, très lent, esthétique et poétique mais pas ennuyeux. La cérémonie du thé est une philosophie de vie qui lie toute un destin. Les sentiments sont intenses, masqués sous le vernis des conventions. Ce qui m'a semble très déconcertant, ce sont les discours et les actions à double sens de la sphère politique nippone du Taigo: Inoue sait parfaitement les décrire et les expliquer mais peu de choses sont explicitement dites, tout est suggéré.
Moi, qui adore le thé, j'ai découvert une nouvelle vision de cette boisson des dieux, qui peut être considérer comme une fin en soi!!! Sa place dans la tradition nippone prend tout son sens à travers ce livre.



                                       

 

Le fusil de chasse

INOUE Yasushi


Présentation de l'éditeur
Le fusil de chasse raconte l'histoire d'une liaison entre un homme marié, Josuké, et une jeune femme divorcée, mère d'une grande fille. Trois lettres, trois récits à la première personne forment les trois faisceaux du drame. Il y a une lettre de la jeune fille qui expose à Josuké qu'elle a lu le journal de sa mère et qu'elle sait comment et pourquoi sa mère est morte. Il y a la lettre de la femme légitime qui explique pourquoi elle ne le reverra plus. Il y a la lettre de la maîtresse écrite avant son suicide.
Au centre, omniprésent, l'homme solitaire avec son fusil de chasse. De lettre en lettre, le lecteur découvre les différents aspects de cette tragédie. C'est tout à la fois brûlant et glacé, et d'une intensité qui justifie la brièveté de ce surprenant roman.

Yasushi Inoué, né en 1907, est un des plus célèbres romanciers japonais d'aujourd'hui. Il a reçu, en 1950, le prix Akutagawa, la plus prestigieuse récompense littéraire du japon, pour Le fusil de chasse.

Son grand roman historique Les chemins du désert, à propos duquel on l'a comparé à Julien Gracq et à Dino Buzzati est également publié chez Stock comme, plus récemment, Histoire de ma mère.

Mon avis


S'attaquer à un roman considéré comme un chef d'œuvre est toujours un peu angoissant : sera -t-il à la hauteur de mes espérances ? Je peux dire en tout état de cause qu'il est surprenant.

Surprenant tout d'abord sur la forme. Ce roman est très court : 92 pages, ce qui est assez peu commun. Pourtant, lorsque l'on finit la dernière page, le récit laisse un empreinte dans notre esprit : on est touché par l'atmosphère qui affleure dans ces lettres, sur ces amours contrariés, sur la profondeur et la violence des sentiments, sur la destruction progressive de ces femmes.

Surprenant dans sa construction originale : trois lettres sont précédées par une introduction (non nommée d'ailleurs), qui donne beaucoup de clés sur les trois récits épistolaires. Chacune de ces lettres décrivent la même histoire mais selon le regard de 3 femmes : la fille de l'amante, la femme trompée et enfin l'amante. Le mari volage apparaît en filigrane et on ne peut que deviner son ressenti devant cette histoire qu'au tout début du roman. L'auteur a réussi un vrai tour de force en transformant en si peu de pages une simple histoire de couple volage en un déferlements de sentiments et réactions passionnels.

Surprenant enfin par la complexité et la profondeurs des sentiments qui sont exprimés à travers ces trois lettres. La lettre de la fille de Shoko permet de contextualiser le drame: Shoko, femme divorcée, est l'amante de Josuké durant plusieurs années. Elle connait très bien son épouse Midori et la fréquente très régulièrement. Shoko est hanté par la culpabilité de tromper Midori, qui ne se doute de rien, malgré son amour profond et sincère de Josuké. Elle se suicidera pour fuir cette honte. La fille Shoko exprime beaucoup de colère et aussi de surprise devant la découverte de cette liaison.
Dans la seconde lettre, Midori, pas si naïve que ça, exprime sa haine envers Shoko. Même si son amour de Josuké n'est plus aussi passionnel, elle ne lui pardonne pas de détruire son couple. Elle quittera d'ailleurs au final son mari, même après la mort de Shoko.
Enfin, La dernière lettre est celle de Shoko : le récit est puissant car le tiraillement de cette femme entre son amour et la honte de devoir le vivre ainsi est magnifiquement exprimé. On ressent tout le dégout qu'elle se porte, sa compassion envers Midori, son amour inconditionnel de Josuké.
C'est un roman que j'ai lu deux fois, ayant besoin de le relire pour en comprendre toutes les subtilités et tous les détails, qui explicitent un peu plus l'intrigue.



 

Shirobamba

Inoue Yasushi

 



Résumé de l'éditeur
 C'était pendant la quatrième ou cinquième année de l'ère Taishô, il y a donc environ quarante ans.
Les enfants avaient l'habitude, le soir, de courir ça et là sur la route du village en criant " Les Shirobamba ! les Shirobamba ! " Ils poursuivaient ces petites bêtes blanches qui flottaient comme des flocons d'ouate dans le ciel commençant à se teinter des couleurs du crépuscule. " Ce roman-là, tous les Japonais le connaissent par coeur. Dans l'oeuvre abondante de Yasushi Inoué, c'est sans doute le plus frais, le plus charmeur.
Très largement autobiographique, il raconte l'enfance au début du siècle d'un petit garçon qui s'appelait Kôsaku. Comme Inoué lui-même, il grandit non pas auprès de ses parents, mais de la maîtresse de son arrière-grand-père, une ancienne geisha. Entre le petit garçon et la vieille femme se tisse une relation toute de tendresse, une complicité un peu féerique, présentée sous forme d'une série d'exquis petits tableaux naïfs aux couleurs vives...


Avis
Mr Inoue sait admirablement nous entraîner dans son univers. Ce roman est en grande partie autobiographique car lui-même a été élevé par sa grand-mère ancienne geisha pendant que son père effectué des missions militaires.


On découvre la vie quotidienne de Kosaku , très attaché à sa grand-mère Onui, sa vie d'écolier et ses rapports avec la "maison d'en haut" où vivent ses vrais grand-mère et grand-père ainsi que leurs enfants et petits-enfants. Même si le garçon va chaque retrouver ses oncles et ses tantes (du même âge que lui) pour jouer en leur compagnie, l'amour familial est avec sa grand-mère.
Son univers se résume à ce petit cercle familier : le village, l'école, la maison d'en haut, les fêtes de villages, l'établissement de bains et la rivière où il va se baigner avec les copains. La ville lui est inconnue et sa visite annuelle à ses parents devient une véritable expédition, voire une épreuve. Face à la froideur de sa mère et à l'indifférence de son père, Kôsaku préfère largement son petit village, ses plaisirs simples et la tendresse de sa grand-mère. Le fossé entre les habitants de la ville et de la campagne est important en ce début 19ème siècle : ce roman met particulièrement en reliefs le jugement négatif des citadins envers les autres habitants des campagnes. Ces derniers ne sont pas non plus épargnés : la prégnance du qu'en dira-t-on et des coutumes, les ragots entre femmes et les rivalités familiales rendent parfois la vie difficile. Une des tantes de Kôsaku, à qui il est particulièrement attaché et attiré même, fera scandale par sa relation avec un des instituteurs célibataires du village.
C'est donc un portrait frais, plein de douceur, que nous livre Inoué sur la vie dans un village de campagne du début du siècle, à travers le regard innocent du jeune Kôsaku. Celui-ci, insouciant, porte un regard honnête sur les choses sans la perversion et l'expérience des adultes. Il vit sa vie au jour le jour et apprécie les petits bonheurs quotidiens. Sa relation avec Grand-mère Onui est extrêmement touchante et pleine de sensibilité. La vieille femme lui voue une véritable admiration et Kôsaku le lui rend bien. Mais Kôsaku grandira, expérimentera les premières fois et découvrira la vie et la mort. Il apprendra que la douleur et la tristesse font aussi partie de la vie.


Shirobamba est écrit avec simplicité et le texte n'a d'autre but que d'être un témoignage du temps qui passe. C'est plus une description de la vie de Kosaku , qu'une véritable intrigue, mais d'une précision nostalgique. J'aime cette histoire simple d'un enfant, la tendresse de sa relation avec sa grand-mère. Mr Inoue nous montre les difficultés de se confronter à l'extérieur, loin du cocon, les relations parentales pas si simples, la jalousie et les différences sociales. C'est très riche et magnifiquement écrit.


A savoir : Inoué a donné une suite à l'enfance de Kôsaku dans son roman "Kôsaku" où nous retrouvons le jeune garçon, deux ans plus tard.


 

La Favorite

INOUE Yasushi





Résumé de l'éditeur
L'histoire des tragiques amours de l'empereur Siuan-tsong et de Yang Kouei-fei est aussi célèbre en Chine que celle de Tristan et Yseult en Occident. Cet empereur de la dynastie T'ang a réellement existé : il régna sur la Chine de 712 à 756, accompagné seize ans durant par la " Précieuse épouse " Yang Kouei-fei. Dans ce livre, qui se lit comme un roman d'aventures, c'est la Chine médiévale qui s'anime avec le talent d'Inoue, sur la toile de fond de la vie luxueuse et insouciante du palais et des intrigues autour de ministres sanguinaires, de généraux ambitieux, d'eunuques intrigants ou de concubines habiles. En arrière-plan des enjeux du pouvoir, les incursions barbares aux frontières cernent la Cour d'un danger toujours pressant qui se rapproche inexorablement jusqu'au dramatique dénouement. Roman historique donc, où l'on reconnaît, comme dans les autres œuvres d'Inoue, un constant souci d'exactitude et de vérité qui nous fait entrer de plain pied dans un huitième siècle chinois d'une étonnante actualité.


Avis
Sous la dynastie des T'ang du Vème au VIIIème siècle, la Chine a en effet connu l'une des périodes les plus fastueuses de son histoire, et c'est au cours de la première moitié du VIIIème siècle, sous le sage gouvernement de l'empereur Siuan-tsong, que 'empire T'ang connaît son apogée, après le règne sanglant de l'impératrice Wou Tsô-tien, la propre grand-mère de Siuan-tsong. Dans ce livre, l'intrigue se concentre sur l'évolution et l’ascension de Yang Kouei-fei, au début jeune amoureuse plutôt fade, qui évolue vers une de ces héroïnes dont la Chine a le secret : femme dominatrice assoiffée, elle aussi de pouvoir, ses relations avec l’empereur seront d'une nature passionnée et trouble. Celle-ci pour assoir son pouvoir et les membres de sa maison fera alliance avec Kao Li-che, vieil eunuque qui possède une forte influence sur Siuan-tsong. Leur alliance aura pour but de trouver des alliées et construire une mur autour de la concubine. Ces alliances seront pourtant à l'origine de la perte de Yang Kouei-fei, qui sera trompé par An Lou-chan , général à la personnalité unique.

Inoue Yasushi est reconnu dans au Japon comme un romancier historique unique. Son style peut être surprenant au premier abord : pas vraiment une description historique, pas vraiment un roman, La Favorite est un récit qui décrit implacablement les mœurs, les intrigues et les coutumes de la Chine médiévale. Les alliances, les tromperies, les faux semblants et les trahisons ponctuent la vie au palais de l'empereur, cerné par des personnes qui recherchent le pouvoir à travers ses faveurs. La vie de la cour, son étiquette, la vitesse des ascensions et des disgrâces mettent en relief la complexité et le raffinement de la société aristocratique chinoise. Les faits historiques sont très précis et intégrés avec efficacité dans l'intrigue. L'aspect psychologique des personnages n'est pas oublié et permet de mieux comprendre les discours et actions au double sens.

J'ai trouvé ce roman bien plus agréable à lire que le Loup bleu (vie de Genghi kan), plus romancé avec une suite d'événements plus reliés et explicité les uns aux autres. Les mordus d'histoire seront sous le charme, les amateurs de romans pourront être surpris par le style.

 

La mort, l'amour et les vagues

INOUE Yasushi

Résumé éditeur
Trois couples se croisent. Trois couples se cherchent, s'avouent, se dérobent ou se quittent. Et la vie, petit à petit, les reprend. Faux-semblants des sentiments (La Mort, l'amour et les vagues), illusions perdues (Le Jardin de pierres) ou frustrations inavouées (Anniversaire de mariage), trois courts récits regroupés autour du même lieu commun : l'amour, ou plutôt la comédie de l'amour. Un regard ironique, bienveillant ou attendri, féroce parfois, pour mieux dévoiler - comme Inoue le faisait dans Le Fusil de chasse - les ombres et les doutes, les troubles cachés de l'homme devant l'amour, la mort et la vie.


Avis
Dans ce petit recueil de 108 pages, Mr Inoue Yasushi nous présente trois nouvelles sur les couples : ces trois histoires peuvent paraître sombres et pessimistes sur les rapports amoureux, mais malgré tout, je trouve que l'auteur sait instiller de l'espoir dans les relations humaines, même quand l'amour n'est plus.


Dans le premier récit (éponyme du recueil) un homme, Sugi  Sennosuke, fait un séjour de 3 jours dans un hotêl, choisi précisément sa proximité d'une falaise vertigineuse propice à un suicide réussi. Sugi a en effet décidé de mettre fin à ses jours, pour fuir le déshonneur qui le guette. Ces 2 jours seront consacrés à la lecture de Voyage en Orient de Guillaume Rubroek, livre qu'il avait toujours révé de lire depuis sa periode étudiante.  Mais la présence d'une jeune femme, Tsujimura Nami, ayant les mêmes projets que lui, va contrecarrer son projet. Celle -ci souhaitait mourir par mour pour un homme, professeur de danse; au cours du récit Nami découvrira que son amant a une liaison avec sa sœur. Nami et Sugi se rapprocheront et redécouvriront l'envie de vivre.


Dans la nouvelle Jardin de pierre, pour leur lune de miel, Uomi Jiro emmène sa jeune épouse, auquelle il est très attaché, au  Ryôanji. Dans un jardin de pierre et de sable, il se remémorera deux événements, qui se sont déroulés dans ce lieu, au sujet d'un amour de jeunesse. Ce premier amour est teinté de beaucoup d'amertume car Uomi aura découvert l'érosion du sentiment amoureux et surtout lui aura fait perdre un ami.  Uomi Jiro ne s'attendait pas à ce qu'il éveille en lui de tels souvenirs. Pourtant, il perdra encore autre chose dans ce lieu étrange.


Enfin, dans Anniversaire de mariage, nous découvrirons l'histoire d'un couple, qui se sera réellement aimé et existé le temps d'un voyage de noce.
Il s'agit donc d'un recueil sur l'amour mais aussi sur les mensonges, l'hypocrisie, l'usure qui peuvent l'accompagner. Malgré que les récits se situent à la moitié du siècle au Japon, les émotions et les questionnement sur les rapports amoureux et le mariage sont très actuels. Inoue Yasushi sait rendre léger ces 3 nouvelles grâce à quelques situations cocasses et à un humour très présent. J'aime beaucoup cette douceur, légèrement amère, et cette atmosphère si spécifique à la littérature japonaise.  



Pays de neige

KAWABATA Yasunari


Présentation de l'éditeur

À trois reprises, Shimamura se retire dans une petite station thermale, au coeur des montagnes, pour y vivre un amour fou en même temps qu'une purification. Chaque image a un sens, l'empire des signes se révèle à la fois net et suggéré. Le spectacle des bois d'érable à l'approche de l'automne désigne à l'homme sa propre fragilité.«Le rideau des montagnes, à l'arrière-plan, déployait déjà les riches teintes de l'automne sous le soleil couchant, ses rousseurs et ses rouilles, devant lesquelles, pour Shimamura, cette unique touche d'un vert timide, paradoxalement, prenait la teinte même de la mort.»Yasunari Kawabata, le plus grand écrivain japonais contemporain, a obtenu le prix Nobel de littérature en 1968.

Avis
Shimamura est un homme d'affaires de son temps, un peu oisif et désœuvré, où avoir une maîtresse est chose courante. On sait peu de choses sur son passé mais il rencontre par hasard, dans un pays reculé une jeune geisha, Komaki, aux jeux sensuels. Mais simultanément, il est aussi étrangement attiré par les jeux de regard de Yuko. Son histoire d'amour avec Komaki se deroule épisodiquement sur plusieurs années et se terminera avec la mort violente de Yuko.

Il est difficile de resumé cette oeuvre car comme un impressionniste, Kawabata déroule son récit par petites touches subtiles. L'amour est intimement lié avec la mort et ce pays de neige, spectral, ne parvient pas à protéger les âmes les plus pures. C'est une magnifique description de la vie japonaise en montagne du milieu du XXème siècle et aussi des mœurs : les relations amoureuses sont complexes et connaissent peu un fin heureuse. 
Le récit se déroule lentement, et beaucoup d’éléments sont plus suggérés, que décrits; cela peut dérouter les lecteurs peut habitués à ce type de style d'écriture.

Ce n'est pas mon livre préféré de Kawabata car j'ai trouvé les personnages un peu caricaturaux : Komaki a des réactions excessives et franchement je la trouve insupportable avec ses colères et caprices. Shimamura supporte avec un stoïcisme, qui pourrait passer pour un détachement égoïste. Son incapacité a exprimé ses sentiments et son attirance pour Yuko peut aussi exaspérer notre nature occidentale. Seule la troublante Yuko possède une certaine profondeur; son personnage est moins présent dans le récit mais son désespoir, qui semble la conduire inexorablement vers la folie, plane comme une ombre sur les amours des deux personnages principaux. La fin tragique, d'une beauté sombre, est magnifiquement écrite et clôt le récit avec subtilité.


  KAWABATA Yasunari

 

Histoires fantastiques du temps jadis

Dominique Lavigne-Kurihara


Présentation de l’éditeur
"Les Histoires qui sont maintenant du passé", achevées au Japon vers l'an 1120, rassemblent exactement mille cinquante-neuf contes qui, comme tous les contes, étaient d'abord destinés non pas à être lus mais racontés de village en village par des moines ou des laïcs. De cette somme, Dominique Lavigne-Kurihara a extrait et traduit une quarantaine de récits où se manifestent toutes les créatures surnaturelles possibles et imaginables par les Japonais de ce XII° siècle : vampires, ogres, démons, renardes, esprits, tengus etc... Ces histoires montrent le pouvoir de la vertu et de la religion sur les forces du mal, mais leur premier mobile est d'étonner et d'émerveiller.


Avis
Ce livre est fait pour les amoureux du Japon. A travers ces contes, on s'immerge dans les religions, les us et coutumes ainsi que le mode de pensée du XII ème siècle. Cette periode est considéré comme la plus fastueuse, la plus élégante et le plus raffiné de son histoire. C'est riche, coloré, varié avec même parfois une pointe d'humour. J'adore les contes et j'avoue que là mon imaginaire est bien sollicité.
Même si les créatures proviennent de essentiellement du folklore shinto, on sent une forme prégnance du bouddhisme  : le bien et les bonnes actions sont récompensés alors que les mauvaises pensées et action sont punis par des tourments terribles. On se croirait presque dans des fables de La Fontaine avec ce petit côté moralisateur.....

Toutes ces créatures , monstres et fantôme se mêlent aux vivants et ont une action très concrète sur la vie et la mort des hommes. On peut leur parler, les chasser et eux ont le pouvoir de vous dévorer ou de vous tuer. On peut alors comprendre la peur que ces divers monstres pouvaient provoquer et les multiples moyens que les japonais créaient pour se protéger.

J'ai beaucoup aimé le fait que la jalousie des femmes soit un pouvoir terrible mais aussi un poison pour ces dernières. Les hommes devaient beaucoup les craindre pour pouvoir imaginer de telles vengeance. La transformation en renarde de superbes jeune fille est aussi assez savoureuse.

C'est bien écrit, facile à lire avec un petit aspect désuet que j'apprécie beaucoup. A réserver tout de même aux lecteurs cherchant à connaitre le Japon et qui apprécie le fantastique.



Le Japon moderne et l'éthique samourai

MISHIMA Yukio

Présentation de l'éditeur
 Un jour de novembre 1970, Yukio Mishima, à peine âgé de quarante-cinq ans, se donnait la mort selon le rituel samouraï au quartier général des forces japonaises. Ce geste, qui bouleversa les Japonais et étonna le monde entier, donnait toute sa portée tragique à une existence qui s'était voulue résolument «anachronique». Trois ans plus tôt, Mishima avait livré l'une des clefs essentielles à la compréhension de ses choix de vie en publiant un essai consacré au Hagakuré, ouvrage composé au XVIIIe siècle par un samouraï retiré du monde pour méditer sur la «Voie du samouraï». Le Hagakuré, livre maudit du Japon de l'après-guerre, est pour Mishima l'œuvre qui a donné un sens à sa vie, et son auteur, Jocho Yamamoto, est une sorte de frère d'armes spirituel. À plus de deux siècles de distance, ce qui unit ces deux esprits, c'est d'abord une philosophie de la vie comme déploiement de l'énergie intime de l'individu et, plus encore peut-être, une philosophie de la mort : «La Voie du samouraï, c'est la mort.» Mais c'est aussi et surtout une commune protestation contre leur époque. Ce livre fait entendre par-delà l'histoire deux voix profondément pessimistes qui exaltent avec la même ardeur désespérée «l'utopie» éthique des samouraïs.

 Avis
Plus un commentaire qu'un essai, Le Japon moderne et l’éthique du samouraï est une réflexion autour du Hagakuré, texte traditionnel du XVIIe siècle. Mis à l’honneur dans le Japon lors de la seconde guerre mondiale, afin de fortifier l’esprit combatif et la détermination des jeunes nippons kamikazes, ce texte a ensuite été dénigré et brûlé pour incitation à la haine. Cette œuvre du samouraï Yamamoto Jocho, au service du clan Nabeshima, est une compilation de principes et de réflexions destinés à guider les jeunes samouraïs.  Ce texte circula de génération en génération, tenu en haute considération malgré son décalage avec son temps, et fut progressivement popularisé et diffusé à travers tout le Japon jusqu’à la période contemporaine. Mishima a longuement médité les principes délivrés par l’ouvrage, et en a retiré une philosophie de vie, ce qui le conduira au suicide par seppuku.


Le texte de Mishima se décompose en trois parties. Dans la première partie, l'auteur explique l’intérêt du Hagakuré : il décrit sa découverte de ce texte, avant de dresser un parallèle sur les contextes du Japon du XVIIe siècle et celui des années 1950. Mishima estime qu’il y a une évolution des mœurs similaire. Au XVIIème siecle, le Japon est unifié par Tokugawa, qui va instaurer le gouvernement du shôgun, ce qui va être décisif pour la caste des samouraï. Jusqu’ici, leurs compétences guerrières étaient recherchées pour leurs daimyô (seigneurs), et leur valeur de guerrier était prisée avant toute autre. Tokugawa, afin de consolider son emprise sur le Japon favorisa le développement des arts intellectuels chez les samouraïs, qui devinrent peu à peu autant une caste de fonctionnaires que de guerriers. La figure de Miyamoto Musashi, est assez représentative de cette évolution : le jeune Shinmen Takezo ne deviendra un samouraï accompli qu’en passant par l’étude, l’amour de l’art et du Zen. Mais certains esprits conservateurs comme Jocho s'insurge contre ces changements, qui sont contre les valeurs dans lesquels ils ont été édifiés. Mishima Yukio se pose dans la même position pour le Japon des années 50. Il est en effet occupé par les Etats-Unis et s’est engagé, par sa nouvelle constitution, à renoncer à la guerre. L’occidentalisation de la société d’alors provoque un certain malaise et perte de repères, qui s’expriment dans la littérature de l’époque.
Dans une seconde partie, Mishima commente de larges extraits du Hagakuré, les citations de Jocho occupant autant de place que la prose de l'auteur. Ce développement est une collection hétéroclite, qui mélange des réflexions pertinentes à des préceptes moralisateurs abrupts, ou à des conseils plus futiles sur le bâillement ou les beuveries.
La dernière partie de l’ouvrage (les Appendices) est  la reproduction du Hagakuré lui-même avec des passages déjà cités. 

Cet essai peut être déconcertant par le mélange entre réflexion profonde et juste (sur la mort selon Jocho, sur l'accompagnement que doit donner un maitre à son éleve) et des anecdotes sur un savoir vivre un peu désuet. Pour un esprit occidental, la construction de l’œuvre est par fois difficile à suivre et la pensée nippone un peu trop repliée sur son passé et sur la nostalgie de son histoire guerrière. Pourtant, cette œuvre possède une certaine force, lorsque l'on sait que son auteur a su aller jusqu'à la mort pour respecter l'éthique samourai.
 Mishima Yukio

 

 Mille ans de plaisir

Nagakami Kenji

 

Résumé de l'auteur 
 Six récits composent ces Mille ans de plaisir - cette «extase millénaire» où mille renvoie à «des milliers, des millions d'années», et où le plaisir signifie à la fois volupté et toutes les joies, liesses collectives ou béatitude de l'âme -, non à la façon d'épisodes successifs, mais comme autant de cercles qui tracent, hors du temps mesurable, dans la mémoire d'une vieille accoucheuse qui a vécu cent «et même mille ans», un espace de répétition où chacun des six héros accomplit le même parcours qui le conduit à la mort précoce. Mais toute cette histoire n'est peut-être qu'un «rêve» sans âge, rêvé par une fleur un soir d'été.
Une même erreur tient les six héros, tous issus du clan Nakamoto: c'est l'ombre de la mort, leur lien avec l'autre monde qui, pour la mère Oryu, se lit clairement dans leurs actes — accouplements bestiaux, vols, meurtres, rêve de fonder un monde nouveau — marqués par la même intransigeance. Tous veulent faire flamber la vie, la consumer, et n'ayant pas la lâcheté de s'épargner, ils ont l'innocence de l'enfant.


Avis
Accoucheuse et pythie, âgée de cent ans "et même mille ans", le mère Oryû raconte- ou rêve?- l'histoire de six beaux et farouches gaillards, qui a lieu entre 1945 et 1960. Ce récit ne se déroule pas à la façon d'épisodes successifs, mais comme une même histoire qui se répètent encore et encore à travers les générations. Habités par une faute qu'ils ignorent, victimes du sang des Nakamoto, tous commettent des méfaits, vols, meurtres et accouplements bestiaux avant de s'abimer dans une mort précoce. Le bouddhisme populaire, que pratique l'accoucheuse, leur reconnaît un certaine irresponsabilité et les considère plutôt comme des victimes d'une malédiction qui doit s'accomplir inexorablement. La mort de ces innocents est utile, même si le dénouement est reportée car la dernière et septième victime n'est pas encore née.
Six nouvelles composent ces Mille ans de plaisir, cette «extase millénaire» où mille renvoie à «des milliers, des millions d'années» :
  • L'Oiseau Hanzō
  • Le Carrefour des Six-Voies
  • L'Arbre aux tengu
  • Tennin Gosui
  • Conte de la plata
  • Les Ailes de Kan'na-Kamui
On découvre la vie quotidienne, les coutumes et les mœurs d'un Japon du milieu du siècle, encore sauvage, mais qui commence à être perverti par le monde moderne, notamment la drogue et l'argent. Les scènes érotiques sont assez crues et permettent de se rendre compte de la violence qui règne dans cette société.
L'écriture est vraiment sublime, fluide, très imagée, parfois poétique.
Pourtant, je n'ai pas vraiment aimé ce livre car j'ai trouvé les nouvelles très semblables, avec une répétition de l'intrigue et des discours de l'accoucheuse au final assez lassants. Je n'ai pas été sensible aux aspects étranges (en raison des croyances et de la religion) car cela n'apporte pas un éclairage singulier à l'intrigue. Enfin, j'ai eu du mal à suivre ses multiples récits qui n'ont pas de liens chronologiques.


 
NAGAKAMI Kenji

                                                                 

La tombe des lucioles

NOSAKA Akiyuki

 


Présentation de l'éditeur
C'est avec ces deux récits admirables et particulièrement boulversants, couronnés en 1968 par le prix Naoki, l'une des plus hautes distinctions littéraires, que nosaka conquit la notorièté. Peu de tempsaupravant, Mishima avait applaudi à son premier roman, Les Pornographes, roman scélérat enjoué comme un ciel de midi dans un dépottoir.
La Tombe des lucioles, visionnaire et poignant : l'histoire d'un frère et d'une soeur qui s'aiment et vagabondent dans l'enfer des incendies tandis que la guerre fait rage et que la faim tue. Voic une prose étonnante, ample, longue, proustienne dans le sens qu'elle réussit à concentrer en une seule phrasa des couleurs, odeurs et dialogues, mais prose trés violente, secouée de mots d'argots, d'expressions crues, qui trouvent ici une beauté poétique et nouvelle, d'images quasi insoutenables-prose parcourue d'éclairs .(Diane de Marguerie)
Nosaka, c'est encore l'écriture luxuriante d'un des meilleurs écrivains de sa génération, à l'égal d'Ôe Kenzaburô, Abe Kôbô et Mishima Yukio.

Avis
 
La tombe des lucioles » est un roman quasi autobiographique, qui nous fait vivre le terrible bombardement que connut Kobe en 1945. Deux enfants, Seita ( un jeune garçon de 14 ans) et sa petite sœur Setsuko, se retrouvent complètement perdus dans une ville dévastée par la guerre, après la mort de leur mère brûlée vive. Seita doit prendre la responsabilité de subvenir aux besoins de sa très jeune sœur, mais ce nouveau monde répond aux lois des plus forts. Seita tentera, outre de la protéger et de la nourrir, de conserver un monde de jeux et de tendresse pour Setsuko. Ce récit connait une fin tragique, comme pour beaucoup d'enfants perdus de la guerre.
Ce qui est marquant dans cet œuvre c'est l'utilisation du langage du peuple, de l'argot. Et c’est ce qui rend ce roman un tant soit peu soutenable et humain. De plus, le choix de Nosaka de présenter l'errance de deux enfants est du à sa propre experience, peu éloignée de ses personnages. Jamais il ne pourra oublier et pardonner ce qu’il a vu du côté ennemi mais aussi, il condamne aussi le nationalisme japonais, qui est devenu selon lui une aberration.
La grande force de ce livre est de faire se côtoyer dans un même récit l’horreur humaine et l’infinie tendresse que porte Seita pour sa sœur. Même dans les pires moments de son existence, l’être humain, qu’il soit adulte ou enfant, est capable trouver une solution, une lueur d'espoir. Ce sont d'ailleurs la lunière des lucioles, qui symbolise l'espoir dans cette horreur.
Outre l'argot, Nosaka utilise de longue phrases, qui peuvent être déconcertantes. C'est violent, mais en même temps terriblement poétique. Doux comme l'enfance mais amer comme la guerre, ce livre est une ode à l'amour entre frère et sœurs. Je n'ai jamais pu voir l'adaptation cinématographique ( Le tombeau des lucioles » pour le film d’animation réalisé en 1988 par TAKAHATA Isao) car trop sombre, mais j'ai été totalement happé par ce roman.

Le livre se compose d'une deuxième histoire "L'algue des Amériques", beaucoup moins touchante que La tombe des lucioles et d'un style bien plus léger. Traditionnellement, ces deux nouvelles sont présentées ensembles. Dans les années 60. Kyoko, la femme de Toshio, publicitaire japonais, était partie en vacance l'année précédente à Hawaï avec leur jeune fils et elle en a gardé un goût certain pour l'Amerique. Ils avaient fait la connaissance d'un couple d'américains, les Higgins, qui souhaite aujourd’hui faire le tour du monde et faire escale au Japon. Kyoko se propose de les héberger durant leur escale japonais, ce qui ne ravit pas du tout Toshio, qui a gardé des américains, une images des soldats qui ont débarqué en 1945. Il fait donc preuve d'un anti-américanisme primaire, qui va se trouver ébranlée dés l'arrivée des Higgins. Parlant trés bien japonais, Toshio décide de satisfaire au mieux  son hôte. Mais la cohabitation des deux couples va être plus difficile que prévue...
Une grande partie de la nouvelle  est centré sur les souvenirs et les impressions de Toshio, sur l'époque du débarquement des américains, ce qui donne une bonne représentation du contexte de l’après-guerre. La nouvelle est légère, plutôt comique voire burlesque.
 




Le goût des orties

TANIZAKI Junchiro




Présentation de l'éditeur

Le personnage central de ce roman écrit en 1928 est un Japonais occidentalisé, déraciné, ayant rompu avec la tradition culturelle et religieuse de son pays.
Kaname est foncièrement agnostique, préoccupé seulement de quelques problèmes d'éthique. A sa femme Misako, qui a pris un amant Aso, il préfère Louise la belle Eurasienne, prostituée de son état. Le beau-père de Kaname, vieillard esthète, amateur de bunraku, théâtre de marionnettes dont la tradition s'est peu à peu perdue, comprend que l'échec de ses enfants est dû à l'effondrement de la vie traditionnelle japonaise, sous l'influence de l'Occident. Au Japon, l'Europe et les Etats-Unis n'ont donné que des Louise, le jazz, les chasses d'eau, l'éclairage brutal auquel le vieillard oppose la pénombre dans laquelle baigne la vraie tradition nippone. Kaname, initié par son beau-père, retrouve la tradition avec l'aide d'O-hisa l'éternel féminin descendu de quelque estampe, et à travers le théâtre de marionnettes d'Osaka, la Chicago nippone, mais qui a gardé quelques aspects de son folklore ancestral. A la fin du roman, nous devinons que Kaname, tiraillé entre le passé et l'avenir opte pour le pas

Avis

Kaname et Misako forme un couple désuni : ils vivent dans la même maison mais n'ont plus de relations intimes (se sont-ils jamais vraiment aimé?). Aucun des deux ne sait comment annoncer la situation à leur fils, et il sera difficile de faire face à l'opinion publique sur leur divorce (le roman a été écrit en 1924). Ils ont donc décidé de prendre le temps de la rupture, mais il est de plus en plus difficile de faire semblant. Misako a un amant Aso et semble décider aujourd'hui à officialiser son union (quoique incertaine) avec lui. Kaname, japonais traditionnel, a une maîtresse occasionnelle et professionnelle, Louise, une jolie eurasienne.

Le récit décrit la découverte par Kaname du Bunraku, théâtre de marionnettes traditionnel d’Osaka, peu reconnu aujourd'hui grâce à son beau-père. Kaname fera même un voyage de plusieurs jours avec lui et sa compagne sur une île pour suivre un festival reconnu. Le vieil homme a une nouvelle maîtresse O-hisa, toute jeune femme qui s'initie aux arts et coutumes d'une geisha traditionnelle. Auprès de son beau père, Kaname sera confronté à ses propres contradictions et réflexions sur l'émergence des cultures européenne et américaine (jazz, savoir vivre....) dans un Japon à l'esprit encore très traditionnel. Même la venue d'un cousin, ayant lui-même divorcé, ne saura lui faire prendre initiative de la rupture. Ce sera ce cousin, qui annoncera officiellement la situation à leur fils, perturbé par les non-dits.

C'est un roman autobiographique car Junichiro Tanizaki divorcera et cédera sa femme à un ami; de plus il s'est beaucoup interrogé sur la coexistence des deux cultures dans le Japon du début du siècle. Ce n'est mon roman préferé de Tanizaki car l'absence totale d'action et de rebondissement est pesante. C'est une longue introspection, qui ne sera même pas conclue par un dénouement clair. J'ai par contre beaucoup apprécié la description du quotidien japonais, du Bunraku et la réflexion sur le choc des cultures.


TANIZAKI Junchiro

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